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Objets maudits #2 : Le Diamant Hope, le joyau qui condamne ses propriétaires ?

Objets maudits #2 : Le Diamant Hope, le joyau qui condamne ses propriétaires ?

L’avarice est la mère de tous les maux… L’avarice, c’est cette volonté inextinguible de richesse qui peut pousser aux pires bassesses, voir au meurtre ou à la folie. Elle s’incarne parfois dans l’éclat précieux de certains objets, et ceux là sont la cause de bien des malheurs.

Tel est le cas du Diamant Hope, un extraordinaire joyaux d’un bleu hypnotique, estimé à plus de 250 millions de dollars. Une merveille ! Mais une malédiction…

Nous sommes en 1640. L’explorateur et marchand français Jean-Baptiste Tavernier visite les mines indiennes de Golconde. C’est le berceau des plus beaux diamants du monde. La terre y accouche des pierres précieuses les plus pures pour lesquels les seigneurs européens et moghol s’étripent. Ils damneraient leurs royaumes pour ces beautés minérales.

On ne sait pas tout, mais Tavernier, lors de sa visite des mines, est frappé par l’éclat irréel d’un diamant bleu de 111 carats, énorme et unique. Il achète la pierre… C’est ce qu’il a dit…

Mais certains rapportent une autre histoire. En réalité, le joyau était enchâssé dans le front d’une statue de la déesse Sita, épouse du dieu Rama. Pour les hindous, Sita est le symbole de la fidélité, du courage et de la pureté. Le diamant, quoi qu’extrait des mines de Golconde, n’était pas destiné à la vente, mais constituait donc une offrande divine pour le temple, afin de garantir la prospérité et éloigner le malheur.

Et Tavernier l’a volé ! Peut-être a-t-il soudoyé les prêtes pour s’emparer de ce talisman protecteur. Mais, sans doute déjà atteint par le mal de l’avarice, fit-il plutôt assassiner les gardiens du temple pour s’enfuir avec la pierre…

Ou bien prit par ruse, ou emparé par force, le français repart avec la roche.

Quel malheur lui en a pris, a-t-il offensé les dieux ? Maudit, il vécu d’encombres en ennuis, et quoi qu’il se soit débarrassé du diamant, il finit dévorer vivant par une meute de loups en Russie…

Le pire étant peut-être que c’est au roi Louis XIV qu’il avait vendu l’objet maudit…

La découverte d’un diamant unique

En effet, en 1668, Jean-Baptiste Tavernier vend cette pierre à la couronne de France, et le roi, fasciné par sa teinte unique, décide de la transformer. Il la confit à son joaillier Jean Pitau, qui la taille pour en révéler tout l’éclat. Il en fait un splendide joyaux de 69 carats au bleu encore plus profond et toujours plus hypnotique. Le roi Soleil, piqué du mal de l’avarice doublé de celui de l’orgueil, baptise la pierre le Bleu de France. Il en fait l’un des nombreux symboles du pouvoir absolu qu’il a institué.

Et que ne sont-ils pas brillants les symboles de la monarchie française sous le roi Louis XIV. Imaginez Versailles, les salons dorés, les lustres étincelants, les nobles en habits somptueux, et au milieu de tout ça, Le roi arborant le Bleu de France. Il le porte lors des grandes cérémonies, parfois sur un ruban autour du cou, parfois monté sur son manteau royal. La pierre capte chaque rayon des chandelles, projetant une lumière mystique tout autour du monarque.

Louis XIV fétichise son bijou, et ce faisant, il lui rend la valeur de talisman qu’il avait pour les hindous. Simplement c’est lui-même le dieu, en tout cas son vicaire sur terre, comme disent les juristes.

Mais, les ennuis commencent. Le roi, malgré toute sa gloire, devient très souffrant. On ne compte plus les maladies qu’il endure, des infections aux kystes, des maladies vénériennes jusqu’à la gangrène à la jambe qui aura raison de lui. Jusqu’à ses derniers jours, ses laudateurs racontent tout l’éclat du roi, voyant pourtant bien que l’homme, lui, n’en a plus aucun. 

Son arrière-petit-fils, Louis XV, hérite du joyau. Contrairement à son prédécesseur, il est moins superstitieux et ne le porte pas aussi souvent. Malgré cela, son règne reste marqué par des crises économiques, des révoltes populaires, et une cour qui vacille.

Le bijou est ensuite légué à Louis XVI et Marie-Antoinette. Celle-ci, grande amatrice bijoux, garde le Bleu de France dans sa collection personnelle. Louis XIV, dans son orgueil, confondait son destin avec celui de la France, et son diamant était celui de tout un royaume. Lorsqu’il n’est plus que le joyau personnel d’une reine, il n’est plus l’emblème du pouvoir, mais le marqueur explicite du faste d’une couronne opulente se moquant de ses sujets.

1789. La Révolution éclate. Le peuple en a assez du luxe indécent de la royauté.

1792. La Terreur s’installe. Paris est en feu, la monarchie s’effondre… et, quelque part dans le chaos, une main anonyme ouvre un coffre au Garde-Meuble. Une lueur bleutée illumine l’obscurité… puis s’évanouit. Le Bleu de France a disparu, et personne ne sait où.

Cela ne fait plus d’importance pour ses anciens propriétaires… Le roi Louis XVI est guillotiné le 21 janvier 1793. La reine Marie-Antoinette le suit sur l’échafaud quelques mois plus tard, le 16 octobre 1793. Ils sont condamnés en droit par la Convention nationales, mais condamné en fait par la malédiction du diamant… La rumeur se propage, car certains disent que la reine portait le bijou la veille de son arrestation.

Le diamant refait surface sous une nouvelle identité

Pendant 20 ans, le diamant reste introuvable. Aucun document officiel, aucune trace dans les ventes de l’époque… comme s’il n’avait jamais existé.

Puis, en 1812, un certain Daniel Eliason, un joaillier londonien, présente un diamant bleu très similaire à un certain… Henry Philip Hope.

Le bijou est plus petit (il est passé de 69 à 45 carats), mais sa couleur est exactement la même que celle du Bleu de France. Il a donc été retaillé, seul moyen de le vendre sans éveiller de soupçons sur sa frauduleuse origine. Le diamant maudit à fait peau neuve, et est prêt à reprendre ses activités macabres auprès de l’élite anglaise.

Henry Philip Hope : Une obsession plus forte que la malédiction

Henry Philip Hope est un banquier extrêmement riche et influent. Sa famille possède une impressionnante collection de pierres précieuses, et il est toujours à l’affût des diamants les plus rares du monde.

Alors, était-il au courant de la véritable origine du bijou qu’il venait d’acheter ?

Difficile à dire, mais… certaines choses intriguent.

  • Le diamant n’a jamais été vendu officiellement : il est apparu directement dans sa collection, sans passer par une vente aux enchères. Un diamant aussi précieux qui apparaît comme par magie ? Douteux.
  • Henry Philip Hope n’a jamais voulu le revendre, ni même l’exposer officiellement. Il le gardait précieusement dans un coffre, comme s’il savait qu’il valait mieux ne pas trop attirer l’attention.

S’il savait que le joyau était celui du roi de France, il ne croyait sans doute pas qu’il puisse être maudit. La même avarice lui fait fermer les yeux sur les drames, pourvu qu’il puisse poser son regard sur son précieux trésor.

Une succession de tragédies

Bien sûr, les malheurs reparaissent en même temps que le diamant. La famille Hope est frappée par la ruine et puis l’un de ses héritiers meurt prématurément.

Alors, Hope se débarrasse du diamant, qui passe de mains en mains. Chaque acquéreur connaît le même destin tragique.

Au début du XXe siècle, le diamant finit par atterrir dans le patrimoine d’une Américaine richissime : Evelyn Walsh McLean.

Et c’est toujours la même histoire ! Elle refuse de croire à ces sornettes de malédiction. Elle porte le diamant lors de soirées mondaines et le laisse même en parure à son chien.

Mauvaise idée…

  • Son fils de 9 ans meurt dans un accident de voiture.
  • Son mari la trompe, sombre dans l’alcoolisme et finit interné.
  • Sa fille meurt d’une overdose à 25 ans.
  • Et elle-même finit ruinée et meurt seule. Et ne parlons pas de son chien…

Harry Winston et la fin de la malédiction ?

En 1949, un célèbre joaillier, Harry Winston, rachète le diamant. Il le prête pour des expositions, l’utilise pour promouvoir son savoir-faire… mais très vite, il prend une décision radicale : il fait don du diamant au Smithsonian Museum.

Petite anecdote : il envoie le diamant par la poste, dans un simple colis en papier kraft. Imaginez le facteur livrant un bijou à plusieurs millions avec un simple timbre !

Depuis, le diamant est exposé en toute sécurité… et la malédiction semble s’être apaisée.

Ou pas ? Parce qu’étrangement, l’employé de la poste qui a livré le colis a eu un accident de voiture, a perdu sa femme et son chien peu après… Mais ne parlons pas de son chien…

En tout cas, et bien qu’il ne soit pas retourné auprès des dieux indiens, le diamant bleu n’est plus l’objet de l’avarice personnels des uns. Il appartient au public en tant qu’objet de contemplation et pièce historique. Le moyen de vaincre la malédiction était là depuis le début : maudit soit ceux qui le désire pour sa valeur marchande, sans crainte sont ceux qui y voient un bien commun. C’était là le geste originel des Indiens qui, en l’offrant à leurs idoles, l’offraient à tous sans qu’il ne soit à personne.

Mythe ou réalité ?

Alors, mythe ou réalité ? Mythe, bien sûr. En vérité, quoi que toute cette histoire ait été authentiquement raconté par de nombreuses personnes, il y a sans doute peu de choses vrais. Les rumeurs, les journaux, les histoires sensationnelles, les ouï dires, et puis le désire d’interpréter les évènements historiques de manière surnaturelle, tout cela a construit au fil des siècles le récit fictif d’une malédiction autour de l’histoire réelle d’un superbe diamant bleu.

Il est très probable que le diamant ait été extrait des mines de Golconde pour être vendu et qu’il n’ait jamais été destiné à un quelconque temple. Il semble que Jean-Baptiste Tavernier ait bien acheté le diamant sans commettre le moindre crime. Ce dernier aurait d’ailleurs sans doute fini ses jours paisiblement, après un dernier voyage qui l’aura mené à Moscou. Ces premiers accommodements avec l’origine du bijou ont permis de laisser planer l’ombre d’une malédiction sur tous les évènements tragiques, et bien réels qu’ont connus ses propriétaires ultérieurs.

Il est vrai, le bleu de cette pierre était tel qu’on y voyait volontiers de la magie. Pourtant, il n’y a là que de la chimie, car sa couleur hypnotique lui vient des atomes de bore qu’il contient. 

Sommes-nous à l’abri de ces superstitions, nous qui pouvons analyser la nature atomique de cette roche ? Eh bien, à vous de voir, mais ce diamant a inspiré, et continue d’inspirer encore, de nombreux films et romans, qui ne sont que nos façon modernes de perpétuer les mythes.

Le fait même que l’histoire de la malédiction du Bleu de France existe possède une signification. Ce récit constitue un savoir populaire et instinctif sur la nature humaine. Ce savoir, il se résume dans ce dicton : l’avarice est la mère de tous les mots. La malédiction est une représentation de l’avarice, mais celle-ci, dans la vie réelle, n’est pas à l’intérieur d’un objet, elle est dans le cœur des hommes !

Alors, si un jour, vous passez devant sa vitrine au Smithsonian… regardez-le bien, mais ne le désirez pas trop ! Parce qu’après tout, qui sait s’il n’est pas encore capable de nouveaux méfaits…

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