Bombe nucléaire : Histoire, pouvoir et menace permanente
Categorie

C’est le matin. Dans la rue, vous discutez avec un ami. Le travail est dur, le temps est frais, comment vont les enfants ? Il est 8h16 et une seconde. Et puis... beaucoup de lumière... Et puis... beaucoup de chaleur…. Vous êtes désintégré. Il est 8h16 et deux secondes. Aujourd’hui, c’est le 6 août 1945 à Hiroshima. Quelqu’un, en Amérique, est devenu la mort, le destructeur des mondes.
Silence, plus rien ne bouge, plus rien ne vie.
Comment la bombe nucléaire, cette arme sans mesure dans la destruction, est née ? Comment c’est passé le fascinant accouchement d’une pareille horreur ?
Allez, faisons ensemble le tour de cette histoire incroyable qui mêle science, politique, terreur et espoir. L’histoire qui a le plus durablement marqué le XXème siècle, et qui n’impacte pas moins le XXIème.
Les Origines : Un Hasard Scientifique qui Ouvre la Boîte de Pandore
Les quarante années qui précèdent la seconde guerre mondiale sont d’une fécondité hors normes en matière de physique. Relativité générale, physique quantique, la science se révolutionne chaque année. Des esprits brillants émergent, comme Marie Curie, Ernest Rutherford ou Enrico Fermi. Chacun s’extasie devant la découverte de la radioactivité. Le monde est habité par des particules incroyablement petites. Et ces particules recèlent une énergie abondante. Peut-on la leur voler ? En 1938, Lise Meitner et Otto Hahn comprennent le principe de la fission nucléaire : casser un atome pourrait libérer sa puissance. Rapidement, la question n’est plus “Est-ce possible de libérer une énergie colossale depuis l’atome ?” mais “Comment en faire une bombe ?” C’était ouvrir la boite de Pandore, cette boîte qui contient tous les maux de la terre.
Et qui croyez-vous qu’une telle boîte intéresse ? Hitler ! Je déteste ce type… Mais heureusement, l’Allemagne nazie, qui cherche la première à domestiquer l’atome, commet de multiples erreurs. Son programme accuse un grand retard, malgré l’excellence ses physiciens (Heisenberg, entre autres). Alerté de la menace par Einstein, les États-unis d’Amérique sont extrêmement inquiet de la perspective. D’autant que le IIIème Reich développe aussi des fusée, les fameux V2 : ne pourrait-il pas finir par attaquer les Yankees par-delà l’Atlantique ? Ils ne vont pas se laisser faire.
Le Projet Manhattan : Le Secret le Mieux Gardé du Monde
1942. Le Etats-Unis lance le Projet Manhattan, l’opération ultra-secrète la plus colossale de l’histoire. 130 000 personnes y travaillent, la quasi-totalité dans la plus stricte ignorance des finalités de leur activité. Tout est cloisonné, rien ne filtre, chacun ne sait que ce qu’il a à savoir. On demande aux ingénieurs de construire des installations gigantesques à Oak Ridge dans le Tennesse, et à Hanford dans l’État de Washington. Mais le site le plus important, le plus sensible, est à Los Alamos, au Nouveau-Mexique. On demande aux chimistes d’isoler l’uranium-235 et de produire du plutonium. On demande aux physiciens de créer la bombe. Et puis on demande aux soldats de garder le tout, jour et nuit. Et malgré tout ce beau monde, le silence est maintenu. Un seul mot d’ordre : “Ce que vous voyez, ce que vous faites, vous le taisez”.
Casser l’atome, ça coûte un bras, pour rester poli ! Le budget estimé est de 2 milliards de dollars de l’époque, soit plus de 30 milliards actuels. Le président Roosevelt pilote le projet dans le plus grand secret, ce n’est d’ailleurs qu’après sa mort que son successeur Harry Truman en découvre l’existence. Mais rien n’est plus lourd qu’un secret, surtout quand les espions soviet’ sont à l’affût de la moindre information. Pas manqué, l’un d’eux, Klaus Fuchs, parvient à transmettre des informations essentielles sur la bombe. Grâce à cela, l’URSS gagnera plusieurs années sur son propre programme et produira ses premières armes nucléaires en 1949. Cela ne sera pas sans changer la face du monde. Et pour cause, la guerre froide était déjà en germe pendant la seconde guerre mondiale. Les deux grandes puissances savaient qu’elles se trouverait dans une ferme opposition dès la fin du conflit.
En tout cas, la bombe nucléaire américaine va bientôt naître. Et elle à un père : Oppenheimer. Celui-ci émet déjà ses craintes quant à la nature de son enfant, et il se demande : “Sommes-nous en train de franchir une limite qu’il ne faudrait jamais dépasser ?”. Trop tard, la course mortelle est lancée.
Trinity : L’Explosion Qui a Ébranlé Même Ses Créateurs
Le 16 juillet 1945, dans le désert d’Alamogordo du Nouveau-Mexique, on trouve une ribambelle de scientifique angoissés. Ils vont procéder à la toute première expérimentation de l’histoire de la planète terre d’une explosion nucléaire. Nom de code du test : Trinity. Pourquoi ils stressent ? Eh bien, il faut que ça fonctionne leur affaire. Ce n’est pas comme s’il n’avaient rien foutu pendant 3 ans. Et puis, un petit détail. Il y a un léger doute sur la théorie : on croit relativement possible que la réaction en chaîne puisse se propager à toute l’atmosphère. Autrement dit, ils craignent d’atomiser la planète tout entière ! Les sagouins !
Bon… Gadget, le tout premier engin atomique, explose. La puissance est telle que les observateurs ressentent le souffle ardent à plus de trente kilomètres. Un champignon de fumer monstrueux s’élève dans le ciel. Certains techniciens sont si saisis par les effets de la bombe, entre flash lumineux, chaleur et souffle, qu’ils angoisseront toute leur vie, craignant qu’aucun lieu sur terre ne soit sûr.
La réussite est totale : le bombe est né. Après le souffle, c’est un frisson d’horreur que ressent son père. Oppenheimer, le grand architecte du projet à alors ce mot, tiré de la Bhagavad-Gita : “Je suis devenu la Mort, le destructeur des mondes.”
Alors, la simple envie de faire un bon mot ? Ou de lancer une grivoiserie ? Non, c’est vraiment l’expression d’une prise de conscience soudaine que le fin voile qui sépare la raison de la folie a été déchiré par eux. L’humanité est-elle encore humaine ?
Hiroshima & Nagasaki : L’Expérience Inhumaine
Harry Truman est maintenant le président d’une puissance nucléaire, mais le monde l’ignore encore. L’Allemagne capitule en mai 1945, mais la guerre continue. Les Japonais sont redoutables. Ils préfèrent le suicide au déshonneur, et continuent de lancer leurs kamikazes contre les forces alliées. Comment se faire coucher le pays du soleil levant ? Les stratèges calculent : une invasion terrestre du Japon coûterait des centaines de milliers de vies américaines. Alors c’est non.
Mais que faire ? Des scientifiques comme Leo Szilard ou James Franck (l’auteur du Rapport Franck) insistent pour que la bombe ne soit pas employée contre les populations civiles.
Dans l’état-major, certains plaident en ce sens. Ils souhaitent plutôt produire un petit show, type son et lumières. Ils pensent à faire péter leur nouvelle arme au-dessus de Tokyo histoire de bien montrer qui est le patron, mais sans zigouiller personne. Honnête. L’idée est cependant écartée : il faut démontrer la force, mais également la volonté de frapper.
Reste à désigner les cibles. Le secrétaire à la Guerre, Henry Stimson prend la défense de la ville de Kyoto en raison de son importance culturelle et religieuse pour le peuple Japonais. Deux cités finissent par être désignées. Le 6 août 45, Hiroshima est ravagée par la bombe nommée Little Boy. 80 000 morts. Le 9 août, Nagasaki est dévastée par Fat Man. 15 000 morts. C’est là une estimation basse. Certain estiment que c’est le double. Et il ne s’agit que des morts dans le souffle.
Les survivants – qu’on appelle les hibakusha – vont porter des cicatrices physiques et psychologiques toute leur vie. Pire encore, leurs enfants et petits-enfants subiront des malformations et maladies liées à l’exposition aux radiations. L’ère nucléaire s’ouvre donc sur la plus vaste des expérimentations humaines, et la plus atroce des expériences : on a testé la bombe sur des êtres humains. Beaucoup d’êtres humains.
La Guerre Froide et la Bombe : L’Objet qui a Failli Détruire l’Humanité
Une fois la guerre terminée, l’URSS et les USA se partagent le monde à Yalta. La guerre froide débute, mais les soviet’ achèvent rapidement leur programme nucléaire : merci les espions. Mais voilà : c’est l’escalade. L’équilibre de la terreur implique de ne jamais être sous-armé, et qu’en cas de déséquilibre, il vaut mieux être le plus armé. Et puis on n’établit pas tout de suite les doctrines d’emploi comme celle de la sacralisation du territoire. On est prêt à employer l’arme atomique n’importe comment. Et puis on fabrique la bombe H : la fission déclenche une fusion d’hydrogène, décuplant à l’exponentiel la force de l’atome. La Tsar bomba, la plus grosse de toute les bombes est environ 3 200 fois plus grosse que Little Boy, celle qui à frapper Hiroshima.
Alors, les deux blocs s’observent en chiens de faïence, chacun le doigt sur le bouton rouge tandis qu’ils se disputent l’ordre mondial.
Au moins quatre grosses frayeurs ont eu lieu. Des détections erronées de missiles ont failli déclencher l’hiver nucléaire. Sans oublier la crise des missiles de Cuba en 1962 ! A cette occasion, un sous-marin russe à reçu l’ordre de tirer une torpille nucléaire sur un navire américain, chose que l’officier Vassili Arkhipov refusera de faire. Il a sauvé le monde.
Les États-Unis et l’URSS ont même conçu des plans détaillés pour envahir ou bombarder l’autre bloc en cas de conflit ouvert : “Opération Dropshot”, “Plan Totality” côté américain, ou la stratégie nucléaire massive de l’URSS. Certaines grandes villes américaines avaient déjà préparé l’évacuation en cas de guerre nucléaire imminente. Un vrai film d’horreur, sauf que tout était bien réel.
Aujourd’hui : La Bombe a-t-elle Réellement Maintenu la Paix ?
On dit parfois que la bombe atomique a “évité” la Troisième Guerre mondiale en installant la dissuasion mutuelle. C’est vrai que si ton ennemi possède de quoi te raser de la carte, tu y réfléchis à deux fois avant de jouer les gros bras. Mais est-ce vraiment une paix solide, ou juste une trêve sous la menace de l’apocalypse ?
Aujourd’hui, on compte encore environ 13 000 ogives nucléaires actives sur la planète. C’est énorme, largement de quoi détruire la Terre plusieurs fois. Pour encadrer cet arsenal, plusieurs traités ont vu le jour, comme le TNP (Traité sur la non-prolifération) signé en 1968, ou le traité New START entre les États-Unis et la Russie, dont la prolongation reste toujours un enjeu majeur. Malgré ces accords, la prolifération nucléaire demeure une réalité : la Corée du Nord, l’Iran ou encore des puissances émergentes suscitent des tensions. S’y ajoute le risque du terrorisme nucléaire : des groupes extrémistes pourraient chercher à se procurer du matériel fissile.
Quant aux armes modernes, elles sont plus précises, plus puissantes, et dotées de systèmes de ciblage sophistiqués. Les missiles hypersoniques redéfinissent déjà la course aux armements. Un missile inarrêtable rebat les cartes de l’équilibre.
On vit dans un monde où l’équilibre reste fragile, et où l’ombre d’une catastrophe plane toujours.
Conclusion : La Bombe est-elle une Malédiction ou une Bénédiction ?
Alors, sommes-nous plus en sécurité qu’en 1945 ? Difficile de trancher. D’un côté, aucun État majeur n’a encore osé utiliser l’arme nucléaire depuis Nagasaki. De l’autre, plusieurs pays s’en sont dotés, et d’autres voudraient l’acquérir. Ça prouve qu’on n’a jamais vraiment envisagé de la ranger au placard pour de bon.
Pourquoi refuser de l’abandonner ? Parce que la bombe, c’est le pouvoir ultime. Personne ne veut en perdre l’avantage stratégique. Et la technologie avance, avec de nouveaux dangers : imagine qu’une cyberattaque neutralise les systèmes de sécurité d’un silo nucléaire, ou qu’une IA confonde un vol d’oiseaux avec une attaque de missiles… La fiction ? Pas tant que ça. Le futur pourrait nous réserver des scénarios encore plus fous que tout ce qu’on a déjà connu.
Finalement, la bombe atomique est une invention qui a bouleversé le destin de l’humanité. On pourrait la voir comme un diable sorti de sa boîte : impossible de le faire rentrer. Reste à savoir si on trouvera un moyen de vivre avec cette arme en évitant de s’auto-détruire. Et ça, c’est notre histoire à tous – à toi, à moi, à toutes les générations futures – de décider de la suite.
