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3 Objets du quotidien qui viennent de la guerre !

3 Objets du quotidien qui viennent de la guerre !

Que devons-nous aux guerres ? Elles ont un impact gigantesque sur la géopolitique, les équilibres internes des nations, les économies, les armes bien sûr, et même sur les paysages. Savez-vous que cela va encore plus loin ? Une guerre, même lointaine, peut être à l’origine des plus petits détails de votre quotidien. Car les armées lancent sans cesse des défis aux ingénieurs et aux industriels, dont les efforts sont fructueux bien au-delà de l’univers militaire.

Nous allons voir que l’ouvre-boîte du soldat suisse du XIXᵉ siècle sert de tournevis aux astronautes de la NASA, que l’armée américaine a ouvert le marché des SUV, et que n’importe quel ouvrier du bâtiment d’aujourd’hui se protège comme un poilu dans une tranchée.

Allez, au lieu de traverser les lignes de front, faisons un chemin plus sûr, traversons ensemble la biographie de trois objets d’origine militaire qui ont su se maintenir dans nos vies.

Dans cette vidéo, nous explorons la biographie de trois objets forgés par le feu de la guerre. Des objets aujourd’hui ordinaires, mais conçus dans un contexte extraordinaire.

CH. 1 : Le couteau suisse Victorinox – Un outil né pour la survie

Un militaire, c’est bien connu, ça s’entraîne, ça fait des randonnées, des exercices de survie, ça se prépare à sa mission. Il porte un couteau, un tournevis, un poinçon, bref, tout un bazar qui pèse lourd dans son paquetage. Et oui, car il faut pouvoir entretenir son arme, improviser un campement et un repas, fournir des premiers soins. Alors, chaque petite tâche spécifique à accomplir oblige le soldat à fouiller son barda afin de trouver l’objet propre à chaque situation. Pas pratique du tout. Alors imaginez ! En 1890 ! En montagne suisse !

Le casse-tête logistique est donc très bien identifié par l’armée suisse. Elle sait même très exactement quelle est la solution à son problème. Il lui faut un outil unique, capable de tout faire, et qui ne prend pas de place. Oui, bravo l’armée suisse ! Cependant, c’est bien facile de dire qu’il suffit d’un outil capable de tout, c’est bien plus difficile de concevoir un tel objet.

Heureusement, Karl Elsener, coutelier suisse de son état, est passionné par ce genre de défi lancé à l’innovation. Les couteaux multifonctions existent déjà, mais ils sont lourds, encombrants, peu maniables, c’est-à-dire certainement pas d’une qualité militaire. Il travaille donc au perfectionnement de ce type de couteau.

C’est en 1891 qu’il lance son premier modèle : le couteau de l’armée suisse, surnommé le Modèle 1890. Simple, efficace. Une lame, un ouvre-boîte, un tournevis et un poinçon pliés dans un manche en bois de chêne. Avec, le militaire suisse peut manger et démonter son arme. La base.

Mais Elsener n’est pas satisfait et juge qu’il peut faire mieux. En 1897, il va réussir à insérer des outils sur les deux faces du couteau sans être obligé de l’alourdir, en insérant un ressort pivotant. C’est la naissance du légendaire… Schweizer Offiziers und Sportmesser, dit plus simplement l’Offiziersmesser.

Difficile à prononcer quand on est français, n’est-ce pas ? Eh bien, quand on est américain également. Pendant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux G.I. sont déployés en Europe et collaborent avec les forces européennes pour de multiples opérations. Les soldats américains adorent ce charmant outil, pratique et robuste, dont ils n’arrivent pas à prononcer le nom. Ils vont donc le rebaptiser à leur façon : ainsi naît l’appellation Swiss Army Knife.

La Seconde Guerre mondiale a mobilisé un nombre hallucinant d’hommes sous les drapeaux. Et ils ont été très nombreux à se familiariser avec le couteau suisse.

C’est pourquoi, après la guerre, tout le monde en veut un, qu’on soit bricoleur du dimanche, randonneur ou aventurier. Dans le civil, donc, mais aussi dans les institutions militaires. Les forces spéciales ont leur couteau suisse dans leur kit de secours. La société Victorinox, fondée par Elsener, réalise alors des performances croissantes.

Les modèles s’enchaînent, intégrant les outils nécessaires à des activités variées. Aujourd’hui, vous pouvez trouver un couteau suisse avec une loupe, un coupe-ceinture, un stylo ou une clé USB.

Forcément, un outil léger, maniable, qui peut servir à tout devait aussi finir dans les poches de nos astronautes. Et en effet, quelques réparations d’urgence dans la Station Spatiale Internationale ont été réalisées avec ce bon vieux Offiziersmesser !

Iconique, donc. Ce succès industriel a même fait l’objet d’une exposition au très fameux MoMA : le Musée d’Art Moderne de New York. Plus qu’une icône, de l’art.

CH. 2 La Jeep Willys – Le 4x4 qui a gagné la guerre et conquis le monde

Allez, on retourne en 1940. L’Europe est en plein chaos, même si les Suisses ont de super couteaux. Les États-Unis refusent encore d’entrer en guerre, mais beaucoup, dont Roosevelt, savent que le conflit est inévitable.

Mais les véhicules de l’armée américaine sont trop lourds, trop lents. Ils ne peuvent pas se déplacer efficacement sur des terrains accidentés. Tout cela, alors qu’il faut penser à l’éventualité d’une projection en masse hors du sol américain.

Une nouvelle fois, l’armée lance donc un défi aux industriels : fabriquer une voiture tout-terrain, facile à réparer et capable de supporter des charges lourdes. AH ! Petit détail dans le cahier des charges : il faut que la bagnole pèse moins de 600 kg. Mission IM-PO-SSI-BLE.

Et c’est une course entre ingénieurs qui commence, avec dans les starting blocks trois constructeurs de renom : Bantam, Ford et Willys-Overland. La ligne d’arrivée est franchie par Willys-Overland, qui parvient à conquérir l’armée américaine avec son moteur Go-Devil, un bloc fiable, puissant et endurant.

Voici donc la Jeep Willys, et elle est incroyable. Petite et compacte, elle se faufile partout. Ultra-robuste, elle résiste aux conditions les plus extrêmes. D’une conception simple et claire, les soldats peuvent la réparer facilement avec des outils basiques.

Un simple 4x4 ? Non, un outil de guerre. Et ça tombe bien, car en décembre 1941, les Japonais attaquent la base de Pearl Harbor. Les États-Unis entrent en guerre et la Jeep Willys est déployée sur tous les fronts.

Que ce soit dans les dunes d’Afrique du Nord, dans les forêts européennes ou les îles du Pacifique, elle est partout. C’est le véhicule militaire le plus produit de l’histoire avec 640 000 unités à son compteur.

Et elle ne fait pas que transporter les soldats : elle évacue les blessés, sert de dépanneuse, voire de poste de commandement. Et puis, embarquez une mitrailleuse lourde, et vous obtenez un petit engin de mort roulant.

La Jeep impressionne tant Winston Churchill et le général Eisenhower qu’ils ont déclaré que c’est « le véhicule qui a gagné la guerre ». Et vous connaissez son surnom ? « Le couteau suisse sur roues » !

Mais que faire de ces centaines de milliers de Jeeps une fois la guerre terminée ? Plutôt que de les laisser à l’abandon, les populations locales les récupèrent et les réutilisent pour reconstruire leur pays. Et puis, les soldats américains, attachés à leur petit bolide increvable, en ramènent chez eux. C’est le même principe qu’avec le couteau suisse : comment se passer en temps de paix d’un outil performant avec lequel les temps de guerre ont familiarisé le monde entier ?

Voyant l’énorme potentiel commercial, Willys-Overland décide de transformer sa voiture de guerre en véhicule civil. En 1945, la Willys CJ-2A, la première Jeep « grand public » est lancée. Le succès est immédiat : les agriculteurs l’adoptent pour travailler aux champs, les aventuriers l’adorent pour l’exploration des grands espaces, et les ouvriers du bâtiment s’en servent comme véhicule utilitaire.

Et surtout, elle crée un tout nouveau marché : celui des 4x4 et des SUV. Si vous roulez aujourd’hui en Jeep Wrangler, en Land Rover ou en Toyota Land Cruiser, dites-vous que tout a commencé avec la Jeep Willys, qui a répondu à un besoin militaire.

Mais au-delà de l’industrie automobile, la Jeep est devenue bien plus qu’une voiture. C’est un symbole. Un symbole de résistance, d’ingéniosité et d’aventure. Et vous ? Vous pensez à quoi lorsque vous voyez une Jeep ? Dites-le-moi en commentaire.

CH. 3 : Le casque Adrian – L’invention qui a sauvé des milliers de soldats

Allez, retournons un peu plus en arrière que précédemment pour nous retrouver en pleine guerre 14-18. Rappelez-vous : les soldats français montent au front pour la Der des der, la fleur au fusil, avec un pantalon rouge sur les cuisses et un képi sur la tête. Un képi, ce n’est pas un casque, c’est un chapeau, un simple bout de tissu qui vous distingue et vous fait une jolie tête, mais ne vous protège ni des balles ni des éclats d’obus.

Or, les batailles rangées napoléoniennes sont terminées, et la Première Guerre mondiale s’enlise en une terrible guerre de tranchées où l’artillerie moderne joue un rôle prépondérant.

Les obus pleuvent de tous côtés, projetant des éclats métalliques partout, tuant ou blessant mortellement des soldats par milliers. Rappelez-vous, nous avons parlé des « petites curies » dans une vidéo précédente, les unités de radiographie mobiles inventées à l’occasion de ce conflit pour faciliter les opérations de médecine de guerre. Mais le mieux serait encore d’éviter les blessures, n’est-ce pas ?

Un commandant français fait un constat terrible : plus de 75 % des blessures mortelles infligées sur le champ de bataille sont des blessures au crâne. Ce commandant, Louis Adrian, cherche une solution en urgence absolue pour éviter un carnage. Il faut donc protéger la tête des soldats.

Sa réponse ? Un casque révolutionnaire, fabriqué en acier embouti, léger, mais suffisamment résistant pour absorber les chocs et dévier les éclats d’obus. En 1915, l’armée française l’adopte immédiatement et le distribue à tous ses soldats. Les résultats ne se font pas attendre : les blessures à la tête chutent drastiquement. Constatant son efficacité, la Belgique, l’Italie et la Russie en adoptent des versions modifiées. Constatant également son efficacité, mais préférant n’en faire qu’à leur tête, les Britanniques développent le casque Brodie, plus large et plus profond, mais basé sur le même concept tout de même ! L’Allemagne, qui en était restée au casque à pointe en 1914, avait coupé les pointes en 1915. Elle restera réticente, mais finira par développer elle aussi son propre modèle, le très fameux Stahlhelm. Ce casque, introduit dans les tranchées en 1916, a une forme caractéristique et sera conservé par la Wehrmacht jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Ainsi, plus aucun soldat ne va au combat sans casque, qui devient un standard absolu dans les armées. On ne peut pas ne pas protéger un minimum le soldat contre les éclats d’obus et les tirs ennemis. D’ailleurs, en 1915, le casque Adrian n’est pas la seule innovation. Il est accompagné d’un autre moyen d’éviter les balles allemandes : on troque les pantalons rouges pour l’uniforme bleu horizon, permettant au soldat français une bien moindre visibilité sur le champ de bataille.

La Première Guerre mondiale se termine en 1918, mais le casque Adrian ne disparaît pas pour autant. Il est utilisé par plusieurs générations de soldats, modifié, amélioré, et reste en service jusqu’à la Seconde Guerre mondiale dans plusieurs pays.

Mais son impact dépasse largement le cadre militaire. Avec la prise de conscience des dangers liés aux blessures à la tête, d’autres secteurs adoptent des casques inspirés du modèle Adrian :

  • Les pompiers, qui portaient autrefois des casques en cuir, adoptent des modèles métalliques plus résistants.
  • Les forces de l’ordre, face aux émeutes et aux affrontements, développent des casques balistiques reposant sur les principes établis par le casque Adrian.
  • Et surtout, là où l’usage est encore le plus massif : les ouvriers du bâtiment, exposés aux chutes d’objets, commencent à porter des casques de protection inspirés du design militaire. Bon, c’est vrai, les casques de chantier ont beaucoup évolué depuis le modèle du commandant Adrian, notamment en ce qui concerne la matière employée. Mais ça, c’est une autre histoire !

Il demeure qu’aujourd’hui encore, chaque casque moderne, qu’il soit militaire, policier, de chantier ou de pompier, doit quelque chose au casque Adrian. Né dans l’urgence du champ de bataille, il a fini par sauver des millions de vies et continue de protéger au quotidien.

Conclusion

Voilà, trois objets ordinaires, nés dans le contexte extraordinaire de la guerre et qui servent encore quotidiennement dans la vie moderne. Les conflits armés créent des besoins nouveaux et produisent une importante émulation entre les industriels. Les bonnes idées finissent par servir à tout le monde, d’abord parce qu’elles étaient nécessaires aux militaires, et ensuite, parce que ce sont de bonnes idées !

Si cette vidéo vous a plu, likez, commentez et abonnez-vous, et dites-moi en commentaire quel objet du quotidien vous intrigue le plus ! À très bientôt pour une nouvelle Biographie des Objets !

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